« Il s’agit de la torture physique pendant la guerre d’indépendance, de la réification du corps féminin , de la construction d’un imaginaire érotico exotique de la femme maghrébine, du développement du tourisme sexuel, des maladies mentales telles que la névrose du colonisé, ou l’aliénation coloniale, décrites par Fanon.»

La démarche artistique de Zohra Hassani s’inscrit dans une pratique d’expérimentations plastiques et de recherche constante, notamment à travers les identités que peuvent revêtir les individus. Franco-algérienne, elle mène en effet un profond travail de recherche sur ses racines et l’héritage de sa double culture.
C’est par les blancs de sa propre histoire que Zohra Hassani plonge dans les méandres de la construction de soi : interroger les souvenirs, les aînés, retourner sur les terres natales, se nourrir de mille et une lectures, se perdre, se retrouver.. Se construire à travers une identité morcelée.

Zohra Hassani déroule un fil rouge, celui de ses propres mémoires ainsi que celles dont elle hérite. Elle y engage tout son corps, véritable écrin et transmetteur de mémoires connues et inconnues, explorant une variété de supports plastiques.
Malléables, ses réalisations plongent au plus profond de l’être humain, faisant lien entre le réel et l’immatériel, le spirituel et le rationnel.

La trace, par la calligraphie devient héritage, passeuse d’une existence atemporelle comme pour éclairer le présent et l’avenir. Les œuvres de Zohra Hassani résonnent comme un patrimoine en suspens, en perpétuelle évolution, questionnant nos rapports humains d’hier à demain.

Par le corps, tour à tour, elle devient femme sacrée, femme désirée, femme agressée. Plurielle, c’est toute l’ambiguïté de l’identité de la femme franco-algérienne, jusqu’à la projection sociale de la « beurette », que Zohra Hassani incarne dans ses mises en scène.
Elle puise dans les mémoires ancestrales, les motifs arabo-musulmans empreints de mystique et de foi pour en extirper l’émancipation tout comme la mise en valeur de ce riche patrimoine. Ses oeuvres érigent un puissant témoignage de résilience, qu’elle nous incite à suivre.

A ses recherches, par les témoignages et récits de vie ainsi que le terrain (France et Algérie), Zohra Hassani s’abreuve de travaux d’auteurs tels que Frantz Fanon, Gisèle Halimi et Christelle Taraud enrichissant ses oeuvres d’une importante bibliographie.
Par le geste symbolique de transformer le barbelé en calligraphie arabe, l’artiste cherche à « transformer l’ignoble en humanité ». Ambiguës mais nécessaires, ses oeuvres ne laissent pas le spectateur indifférent, « sur le corps et l’esprit de celui qui cherche à exister dignement » comme elle le souligne.

C’est donc tout un ensemble de violences passées et actuelles, inscrites dans son héritage tout comme dans la mémoire de sa communauté que Zohra Hassani dévoile à travers ses oeuvres. Au delà de la communauté, la dénonciation de ces violences s’étend à la condition féminine universelle : De sa mémoire individuelle, elle réveille une mémoire collective.

« These include physical torture during the War of Independence, the commodification of the female body, the construction of an erotic and exotic imaginary of the Maghrebi woman, the development of sex tourism, and mental illnesses such as the neurosis of the colonised, or colonial alienation, described by Fanon ».

Zohra Hassani’s artistic approach is rooted in the practice of plastic experimentation and constantresearch, notably through the identities that one may have. As a Franco-Algerian, she conducts in-depth research and work on her roots and heritage of her double culture.
Via the blanks of her own story, Zohra Hassani dives into the winding path of self-construction: questioning memories, elders, returning to her birth land, feeding off of books, losing and then finding one’s self… rebuilding our self-imagethrough a fragmented identity.

Zohra Hassani unrolls a thread, that of her personal memories and of those that she inherited. Sheengages her entire body and soul, a true treasure chest of memories known and unknown, exploring a variety of artistic mediums (colonial post cards, videos, installations, sculpture, photography… ).Malleable, her art dives into the depths of the human being, linking what is real to the intangible, the spiritual and rational.

The trace, through calligraphy, becomes a legacy, passing on a timeless existence as if to highlight both present and future. Zohra Hassani’s works resonate as a suspended heritage, in perpetual evolution, questioning our human relationships from yesterday to tomorrow.

Through the body, she becomes in turn a sacred woman, a desired woman, an attacked woman (self-portraits, Postcards, Birth of the World, Tadhakar). Zohra Hassani’s multi-faceted productions embody the ambiguous identity of Franco-Algerian women, right up to the social projection of the «beurette».

She draws on ancestral memories, Arab-Muslim motifs imbued with mysticism and faith, to bring out emancipation as well as the enhancement of this rich heritage. Her work is a powerful testimony to resilience, which she encourages us to follow.

Zohra Hassani’s research, based on personal accounts and fieldwork (France and Algeria), is enriched by the work of authors such as Frantz Fanon, Gisèle Halimi and Christelle Taraud, whose extensive bibliography enriches her work.
Through the symbolic gesture of transforming barbed wire into Arabic calligraphy, the artist seeks to transform the inhuman into humanity.

Ambiguous yet necessary, her works leave no viewer indifferent, «on the body and spirit of those who seek to exist with dignity», as she puts it. Zohra Hassani’s works reveal a whole range of past and present violence, inscribed both in her heritage and in the memory of her community.

Beyond the community, the denunciation of this violence extends to the universal feminine condition: from her individual memory, she awakens a collective memory.

Anouk Bertaux | Art historian and curator